La honte à l'adolescence
- xpommereau
- 16 oct.
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La honte, étymologiquement, c’est la menace réelle ou supposée d’être méprisé, déshonoré. Elle s’éprouve d’abord dans le regard de l’autre. Lorsqu’un adolescent s’exclame : « Ce serait la honte ! » à l’idée que ses parents le déposent devant l’école, il exprime la crainte du jugement de ses pairs. Pour mieux se séparer d’eux, il doit — provisoirement — les déconsidérer. Il suppose alors qu’on se moquera de leurs gestes trop affectueux, de leur voix trop forte, ou de leurs habits démodés. Cette honte-là est exagérée, car les parents des autres sont souvent enviés. Mais derrière, il y a la peur d’être humilié, de passer pour un enfant encore dépendant. Mieux vaut que les parents ne s’en offusquent pas : c’est plutôt bon signe. Cela montre que leur adolescent a compris qu’on s’inscrit dans le lien social par le regard d’autrui, et que la honte peut jouer un rôle de régulation, en freinant les mauvaises conduites.
À l’adolescence, la honte prend d’autres visages. Il y a celle, anticipée, de se voir rougir en public, comme si l’on se sentait deviné dans ses désirs secrets — notamment sexuels. Mais il existe aussi des formes bien plus lourdes. La honte peut devenir une blessure quand elle est liée à des secrets familiaux perçus mais jamais dits, ou lorsqu’un adolescent victime de violences sexuelles finit par se croire responsable de ce qu’il a subi. Pour s’en libérer, il doit impérativement pouvoir en parler et être entendu.
Enfin, la honte peut virer au piège mortel lorsqu’elle envahit le psychisme dépressif : honte de soi, honte d’exister, honte d’être ce que l’on est. Ici, le regard de l’autre est intériorisé comme un juge impitoyable, et la culpabilité devient écrasante : « Puisque je ne vaux rien, autant en finir… » Dans ces cas, la honte n’est plus un garde-fou, mais une menace vitale.
La honte, comme toute émotion, a ses vertus lorsqu’elle protège et limite. Mais elle devient destructrice lorsqu’elle enferme. Reconnaître cette bascule, l’entendre et intervenir à temps, c’est parfois sauver une vie.


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